LA THEOLOGIE POLITIQUE DE THOMAS HOBBES DANS LE LEVIATHAN

LA THEOLOGIE POLITIQUE DE THOMAS HOBBES DANS LE LEVIATHAN
______________________________________________Joan Hakolimana________

0. INTRODUCTION ET PRESENTATION
Pour saisir la portée, le ton et l’inspiration du Léviathan de Thomas Hobbes, il faut le situer dans le contexte de son époque, celui de l’Angleterre des années 1600 et de ses remous politiques. Un certain vendredi, le 5 Avril 1588, naquit Thomas Hobbes. Issu d’une famille pieuse de la moyenne bourgeoisie, Hobbes s’est très précocement intéressé aux études classiques de son temps; il pratiquait le grec et le latin dès l’âge de 15 ans et certaines de ses traductions sont encore appréciées aujourd’hui (Cf. La guerre de Péloponnèse de Thucydide). Les péripéties de sa famille marqueront certainement sa vie ultérieure. Il n’avait que 16 ans quand son père, ministre ordonné dans l’Eglise Anglicane, dut abandonner le foyer et vivre dans la clandestinité jusqu’à sa mort, suite à une accusation d’hétérodoxie, le refus d’obtempérer et un acte de violence sur un vicaire du voisinage du nom de Richard Jeane. L’oncle de Thomas Hobbes qui se nommait Francis Hobbes le prend en charge et lui assure une formation digne de son temps. Après le collège a Oxford, sa vie le portera à voyager partout en Europe comme guide de voyage. La rencontre avec les sommités de son époque ne manquera pas de marquer sa vision du monde et de la vie. On peut citer entre autres Galilée, Bacon, Descartes et autres. De Galilée, il gardera cette fascination par les sciences naturelles dont il fera après, le miroir de son système du droit naturel. Déjà, avec sa première publication, la traduction anglaise de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide, il laisse voir ce que sera son profil intellectuel. Il en tire la conclusion que les valeurs morales ne valent rien si elles n’ont pas assez de force pour s’imposer. Cette idée constitue la première charpente de sa doctrine politique. Les remous politico-religieux de l’Angleterre du 17ème siècle lui donneront la seconde charpente, à savoir que la démocratie n’était pas un système viable.

1. CONTEXTE HISTORIQUE

Longtemps avant la naissance de Hobbes, le roi Henri VIII avait fondé l’Eglise Anglicane en 1533, se séparant ainsi de l’autorité de l’Eglise Catholique. Celle-ci s’étant opposée à son divorce avec la reine Catherine d’Aragon et, par voie de conséquence donc, à ses ambitions politiques, elle lui sembla donner une raison suffisante l’autorisant à redessiner la scène politique et religieuse de son royaume, à la manière qui lui semblait la plus adéquate à son projet. Cependant, l’imposition de l’Eglise Anglicane n’allait pas sans casses. Les protestants la subirent au même titre que les catholiques. Alors, il semble normal qu’ils aient mis en question cette nouvelle imposition comme ils avaient contesté la primauté de l’Eglise Catholique. Cette contestation s’accompagnait de celle de l’autorité du roi et de son immixtion dans leurs affaires politiques et économiques. Le roi Jacques Ier qui régna durant la jeunesse de Hobbes s’était accommodé tant bien que mal l’Eglise Anglicane en tentant de revendiquer le droit divin comme fondement de son droit de gouvernement. Cependant, les protestants passèrent à l’attaque, récusèrent ce droit divin à gouverner et allèrent même plus loin. Ils s’élevèrent contre les taxes arbitraires, en soutenant que le roi n’avait aucun droit d’imposer de nouvelles taxes sans l’accord préalable du parlement.
Quand Charles Ier monte au trône, il hérite d’un parlement en ébullition. D’une part, il y’avait beaucoup de membres en désaccord avec l’imposition de l’Eglise Anglicane. Ils voulaient éliminer le pouvoir des évêques qui s’affermissait au détriment de celui des princes, pour acquérir ainsi plus de pouvoir pour eux-mêmes. D’autre part, les royalistes restaient convaincus du droit divin comme base de l’autorité royale et soutenaient ainsi le roi et l’Eglise d’Angleterre. Devant cette situation, Charles Ier décida purement et simplement de geler les activités du parlement moyennant la suspension, de 1629 à 1640. Mais, déjà, le parlement s’était tellement affermi et fortifié qu’il pouvait défier impunément l’autorité du roi. C’est ce qui arriva en 1640, quand il voulut imposer la liturgie anglicane (English Book of Common Prayer) aux presbytériens écossais. Ceux-ci ayant pris les armes, le roi fut obligé de recourir au parlement pour pouvoir lever une taxe de guerre. Non seulement il échoua dans cette démarche, mais les factions rivales intervinrent dans ce conflit en faveur ou contre lui. Il en résulta une guerre dévastatrice pour l’Angleterre, qui s’acheva avec l’exécution de Charles Ier et l’abolition momentanée de la monarchie. Thomas Hobbes n’apprendra ces faits qu’à Paris où il séjournait en ce moment. Par après, il aura le privilège d’être tuteur du jeune Henri II, fils du roi exécuté. Hobbes ne digérera jamais le fait que des convictions religieuses ou une interprétation des écritures puissent justifier une rébellion ouverte contre un monarque légitime, et cela pour renforcer le pouvoir des tenants de ces mêmes convictions. Ses positions politico-religieuses dans le Léviathan qu’il publie en 1651 se doivent de comprendre dans ce contexte de son expérience de la guerre civile anglaise et comme une réaction contre cet état de choses.

2. CONTEXTE LITTERAIRE

Le Léviathan de Thomas Hobbes s’avère être une œuvre gigantesque pour qui en veut analyser le contenu. En traitant de sa théologie politique, nous voulons nous arrêter principalement à ses deux dernières parties, après une passe en revue du contenu des deux premières.
La première partie du Léviathan (Of Man) parle de la nature humaine. Pour ce faire, Hobbes se base non seulement sur les données de l’expérience empirique commune au genre humain, mais aussi et surtout sur ce qu’il croit être une explication scientifique de notre nature physique et autres particularités qui nous distinguent les uns des autres. Nous sommes des êtres passionnés, mais nos passions s’orientent vers une infinité de désirs, de telle sorte que jamais deux individus n’arrivent à se mettre d’accord sur quoi que ce soit. S’il est impossible pour deux individus de se mettre d’accord, a plus forte raison ce désaccord doit être absolu dans un groupe ou une communauté plus large comme le Commonwealth, d’où la nécessite d’un Souverain absolu pour maintenir l’ordre. Dans cette première partie, Hobbes nous introduit aussi au drame de l’état de nature où cette impossibilité de consensus génère le chaos et une insécurité quasi-totale. C’est la bellum omnium contra omnes. Mais ce qui est plus grave, pense Hobbes, c’est que les passions et les superstitions bloquent les facultés des hommes et les empêchent de voir où se trouve leur véritable bien. Ainsi ils ne peuvent se maintenir dans l’ordre si le Souverain ne les y contraignait par la force.

Dans la seconde partie de son Léviathan (Of Commonwealth), Hobbes explique sa conception du droit naturel, des lois naturelles ainsi que de leur relation à la société civile. Il y développe son contrat social selon lequel chaque individu abdique de son droit à l’autodéfense et à l’autoconservation dans l’état de nature, fonctions qui désormais seront assurées par un Souverain investi de pouvoirs irrévocables. Cette deuxième partie n’a de sens que dans la mesure où le lecteur accepte la thèse hobbesienne sur la nature de l’homme développée dans la première partie. Si l’homme pouvait soumettre son existence à un peu plus de rigueur rationnelle, il pourrait jouir d’un régime démocratique ou mixte. Mais Hobbes, se fonda trop sur l’expérience malheureuse de son pays, qualifie d’absurde toute idée démocratique. La seule forme de gouvernement pouvant empêcher la guerre civile et le chaos reste pour lui celle d’un seul Souverain absolu. Pour Hobbes, la paix est l’ultime bien auquel tout le reste doit être soumis et secondaire.

C’est dans la troisième et la quatrième partie de son discours que Hobbes développe amplement sa théologie politique. La troisième partie s’intitule « Of a Christian Commonwealth ». Dans cette partie de son livre, Hobbes montre comment le christianisme peut être compatible avec la monarchie absolue. Pour ce faire, il construit sa propre théologie chrétienne, sa propre interprétation de la Bible et une manière particulière d’envisager les relations entre l’Eglise et l’Etat. Hobbes essaie de démontrer que les fidèles peuvent être de bons chrétiens tout en se gardant de toute objection contre les lois de l’Etat, même quand elles vont contre leurs convictions et leur moralité. L’unique devoir du chrétien est d’obéir au Souverain. Hobbes laisse au clair que l’Eglise aussi doit être soumise à l’Etat pour les mêmes raisons. Le pouvoir et l’autorité ne pouvant être divisés, il faut qu’ils restent dans les mains d’un seul. Hobbes tente de démontrer que cette soumission de L’Eglise à l’Etat est reconnue même par la Bible.

Dans la partie finale de son livre « Of the Kingdom of Darkness », Hobbes s’applique à saper et à détruire toute idée pouvant aller dans le sens de placer l’Eglise au dessus de l’Etat ou de laisser un minimum d’autorité en dehors du Souverain. C’est dans ce sens qu’il nie l’existence de tout ce qui n’est pas objet d’observation et de vérification physique, qu’il qualifie de superstitions. Pour lui, les idées et les valeurs transcendantales distraient l’homme et l’empêchent de se consacrer à l’œuvre terrestre, l’unique qui valle la peine. De manière spéciale, la foi et les valeurs catholiques encouragent la désobéissance à cause de l’organisation hiérarchique de l’Eglise avec un Pape, une structure gouvernementale particulière et sa prétention à être la représentante terrestre du Royaume de Dieu, un royaume à vocation universelle et supérieur aux autres.

3. LA THEOLOGIE POLITIQUE DE HOBBES

La première impression que donne la théologie politique de Hobbes c’est celle d’être en prolongement de la contestation protestante de la suprématie de l’Eglise catholique. Mais en réalité, Hobbes construit un système qui exclut le catholicisme sans épargner le protestantisme. Il n’est pas sans raison que tous, catholiques et protestants, voire même les anglicans qui pourtant sembleraient être dans la ligne juste du Léviathan, se soient opposés à son modèle politique. Ce que cherche Hobbes c’est de construire, par le raisonnement et la rhétorique, un système assurant un pouvoir illimité au roi, seul capable d’éliminer le risque de la guerre civile qui hante tout son discours comme un danger guettant à la porte pour entrer par la première brèche. S’il voit le mal des catholiques dans leur inclination à suivre le Pape comme leur prince, celui des protestants réside dans leur tendance à suivre une opinion privée ou des hommes charismatiques, les deux choses allant contre son modèle du Souverain unique et absolu. Hobbes s’emploie alors à essayer de démontrer l’inanité de tout ce qui fonde la foi, pour convaincre le lecteur de l’inutilité et du danger que représente l’Eglise et les convictions religieuses en général : la révélation n’est que la face apparente de notre désir d’exprimer nos propres convictions humaines, affirme-t-il; les miracles ont cessés et tout ce qui s’y apparente aujourd´hui comme par exemple la transsubstantiation eucharistique relève de la pire superstition ; les livres canoniques perdent de leur autorité du moment que nous découvrons qu’ils ne sont pas l’œuvre des personnages dont ils portent les noms etc.

Pour Hobbes, l’autorité morale de l’Eglise repose sur ces manipulations qu’elle a réussi à faire passe pour de la vérité divinement révélée. Leur unique utilité est de maintenir les gens dans l’obéissance, ce qui assure à l’Eglise son pouvoir. S’il peut y avoir de canonicité et d’orthodoxie, il faudrait qu’elles reposent sur l’autorité du Souverain et soit promulguées par lui. Hobbes ne craint pas de faire un raisonnement qui ressemble un peu au cercle vicieux: les même choses enseignées par l’Eglise, si elles venaient un jour à être enseignées sous l’autorité du Souverain, perdraient de leur caractère maléfique et se convertiraient en biens utiles pour le Commonwealth. D’un coté il les dénonce comme des maux pour la société mais les récupère de l’autre comme de véritables biens s’ils venaient à fonctionner sous le contrôle du Souverain. Ce dont Hobbes ne veut pas entendre parler, c’est de toute forme de légitimité (théologique, philosophique, politique ou sociale) en dehors de l’Etat.

De touts les thèmes fondamentaux de la foi que Hobbes s’emploie à réfuter et à détruire, il y en a un qui occupe une place particulière dans son discours et l’on voit pour quoi : c’est celui du Royaume de Dieu. L’idée du Royaume de Dieu semble particulièrement dangereuse à Hobbes par ce qu’il prétend être un royaume transcendant les frontières des peuples et la contingence du temps. Pour la réfuter, Hobbes s’y prend de deux manières. D’une part, il montre que ce royaume a été une réalité dans le passé et qu’elle le sera dans le futur, avec la résurrection des morts et le règne terrestre du Christ comme Souverain humain. D’autre part, il essaie de démontrer que, entre ces deux extrêmes, il y’a le royaume actuel du Souverain qui représente et tient lieu de cette réalité lointaine et absente.

Hobbes ne tarit pas d’arguments pour soutenir son idée : Par Royaume de Dieu, il faut entendre le royaume réel qui s’établit en Israël suite au contrat d’alliance entre Dieu et le peuple et dont Moise fut le Souverain absolu. Ce contrat se rompit quand le peuple se choisit un monarque à la manière des autres peuples dans la personne de Saül. Ainsi, le Royaume de Dieu touchait à sa fin. Alors, pouvons-nous entendre pourquoi Jésus, dans la prière du Pater, enseigne à ses disciples de prier pour que vienne le règne de Dieu (Adveniat regnum tuum). En attendant cette seconde instauration qui coïncidera avec la résurrection des morts, il faut que chacun donne au royaume temporel son adhésion, sa foi, son assentiment et sa loyauté comme s’il les donnait à Dieu lui-même. Ici Hobbes déploie une double attaque. D’une part, il veut convaincre ceux qui voudront bien le croire que la notion du royaume de Dieu est une idée vague, lointaine et incertaine, dont il faut cesser de se préoccuper et de tirer des conclusions pratiques pour la vie présente. Pour ceux qui ne se laissent pas convaincre par ce premier argument, il faut les raisonner dans le sens de leurs convictions, les caresser dans le sens du poil. Ainsi Hobbes s’emploie-t-il à démontrer que, quand bien même cette notion du royaume de Dieu aurait quelque consistance, il subsiste actuellement et uniquement dans le royaume temporel géré par le Souverain unique et absolu. Se soumettre et servir l’Etat n’est qu’une autre manière, si non l’unique, de servir et de se soumettre à Dieu.

Ainsi pouvons-nous entendre pourquoi, selon Hobbes, le Souverain est l’unique autorité même en matière religieuse, car il est le lieutenant (lieu-tenant) de Dieu. Seule l’autorité du Souverain vient de Dieu, tandis que celle des autres pasteurs vient du Souverain : « Tous les pasteurs, excepté le pasteur suprême, remplissent leur charge selon le droit, c'est-à-dire en vertu du Souverain civil, c'est-à-dire jure civili, mais le roi et tout autre Souverain remplissent leur fonction de pasteur suprême en vertu d'une autorité immédiate venant de Dieu, c'est-à-dire selon le droit de Dieu, ou jure divino. Et donc, seuls les rois peuvent mettre sur leurs titres une marque de soumission à Dieu seul, Dei gratia rex, etc. Les évêques devraient dire, au début de leur mandat : Evêque de tel diocèse par la grâce de la Majesté du roi, ou, en tant que ministres civils : Au nom de sa majesté. En effet, en disant divina providentia, ce qui est la même chose que Dei gratia, ils nient, quoique d'une façon déguisée, avoir reçu leur autorité de l'Etat civil, enlevant sournoisement le collier de leur sujétion civile, contrairement à l'unité et à la défense de la République ».[1]

A ce niveau de son raisonnement, on pourrait demander à Hobbes ce qui se passerait si le Souverain obligeait les sujets à emprunter le chemin de la perversion, et cela contre leurs convictions. Pour lui, les hommes n’ont rien à craindre des conséquences de leurs actes, que ce soit dans cette vie ou dans la perspective du jugement dernier. Du moment qu’ils obéissent à l’Etat, ils cessent d’être responsables devant Dieu, toute la responsabilité étant assumée par le Souverain. Pratiquement, pour Hobbes, quand s’institue l’Etat, les hommes cessent d’exister individuellement. Ils cessent de penser, de tenir et d’exprimer leur opinion, de fer le bien ou le mal, d’être responsables de leurs actes devant Dieu et devant leur conscience. Jamais l’absolutisme ne s’était affirmé avec tant de vigueur ! A voir l’allure de sa pensée et la nature de son argumentation, on se demande pour quoi Hobbes ne franchit pas la limite pour nier l’existence de Dieu purement et simplement. En bon stratège, il se garde de détruire un système dont il veut encore tirer profit. Ce qui lui importe, malgré les apparences, n’est pas de détruire toute autorité venant de Dieu. Ce qu’il ne veut pas, c’est que cette autorité soit dans les mains d’une tierce personne ou d’une tierce partie en jeu. Que ce pouvoir passe dans les mains du Souverain, voilà son vrai projet. Il l’exprime lui-même au début de cette partie du livre : « Jusqu'ici, j'ai fait dériver les droits du pouvoir Souverain et le devoir des sujets uniquement des principes de la nature, ceux que l'expérience a trouvé vrais, ou que l'accord sur l'usage des mots a rendu tels; c'est-à-dire de la nature des hommes, qui nous est connue par expérience, et des définitions des mots qui sont essentiels à tout raisonnement politique, définitions sur lesquelles on s'accorde universellement. Mais dans ce dont je vais maintenant traiter, la nature et les droits d'une REPUBLIQUE CHRETIENNE, qui reposent essentiellement sur des révélations surnaturelles de la volonté de Dieu, le fondement de mon discours doit être, non seulement la parole naturelle de Dieu, mais aussi sa parole prophétique ».[2] Ainsi, même si Hobbes s’emploie à détruire les bases théologiques de tout pouvoir religieux (la prophétie, les miracles, le ciel, l’enfer, le martyre…), il se garde de les raser totalement, essayant toujours de garder un minimum de fil pour les relier par après à son système politique.

Le premier pilier de la foi que Hobbes travaille à réfuter est la prophétie. A première vue, la remarque que Hobbes fait à propos de la prophétie ressemblerai à un appel au discernement : Il faut tout examiner avec précaution. Mais, sans tarder, le ton tourne à la politique et à la lutte pour le pouvoir : Le prophète annonce aux hommes le chemin de la félicité. Ce faisant, il leur apprend ce qu’ils doivent croire et ce qu’ils doivent faire. Or, nous savons que la recherche du pouvoir fait partie intégrante de la nature humaine. Alors, cette annonce prophétique peut être (et l’est réellement) une des voix faciles pour se gagner la confiance des gens et acquérir le pouvoir sur eux. Les hommes exerçant cet office sont à regarder avec prudence, à la limite, comme des imposteurs essayant de remplacer et de faire concurrence à l’autorité légitime. Les choses se passent différemment si le Souverain, seul source légitime de toute autorité, venait à approuver l’enseignement d’un prêcheur et à le mandater. Dans ce cas (et uniquement dans ce cas-ci) pourra-t-on parler de vraie prophétie et de vrai prophète. En dernière analyse, la seule et unique manière de juger de la véracité d’une prophétie ou de tout enseignement de type religieux, c’est de demander si oui ou non le prophète ou le prêcheur a le sauf-conduit de l’Etat. De cette manière, Hobbes place entre les mains du Souverain le droit de décider entre le bien et le mal, entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Comme on peut le voir, les remarques de Hobbes sur ce sujet ne vont pas seulement contre l’Eglise Catholique comme on pourrait le croire. Dans cette tentative de contrôle de la prophétie, Hobbes devait avoir en tête, de manière spéciale, l’esprit charismatique protestant et anglican, qui porte les gens à se rallier à l’opinion individuelle ou à celle des leaders influents.

Le second pilier du pouvoir religieux que Hobbes se propose de remettre à sa juste dimension est le miracle ainsi que l’existence des êtres immatériels. Quand il s’applique à démontrer le non sens de tout ce qui ne cadre pas avec son système empirique, il le fait avec des arguments d’une ironie très piquante : « Certaines apparitions de ce type peuvent être réelles et substantielles, c'est-à-dire des corps subtils que Dieu peut former par le même pouvoir que celui par lequel il a formé toutes choses, corps dont il peut faire usage comme ministres et messagers (c'est-à-dire comme anges) pour exprimer sa volonté et pour l'exécuter quand il lui plaît de manière extraordinaire et surnaturelle. Mais s'il les a ainsi formés, ce sont des substances dotées de dimensions, qui occupent de l'espace et peuvent se mouvoir d'un lieu à un autre, ce qui est la particularité des corps, et ce ne sont donc pas des spectres incorporels, c'est-à-dire des spectres qui ne sont en aucun lieu, autrement dit qui ne sont nulle part, autrement dit qui, semblant être quelque chose, ne sont rien ».[3]

Déjà au début de cette partie sur le Commonwealth, il avait affirmé que les miracles ont cessés et cédé place aux Ecritures. On peut se demander pourquoi sent-il le besoin de revenir à ce sujet. Hobbes devait penser que son argumentation précédente ne suffisait pas pour convaincre. Si les gens continuent à croire aux miracles, ils continueront de croire que Dieu peut intervenir dans le monde actuel pour y faire quoi que ce soit, chose que Hobbes veut éliminer à tout pris. L’intervention de Dieu dans le monde poserait une limitation au pouvoir du Souverain, pouvoir que Hobbes veut absolu et sans concurrence. Mais, comme nous l’avons souligné plus haut, Hobbes ne va pas jusqu’à la négation totale des réalités religieuses qu’il s’emploie à détruire. Il les jette d’une main et les récupère de l’autre. Ainsi, le miracle peut se concevoir s’il va dans la ligne politique qu’il préconise. Pour s’assurer de la validité d’un miracle, il faut demander si le Souverain a ordonné que l’on y donne crédit. Si la réponse est positive, on peut parler alors d’un miracle en bonne et due forme.

Hobbes applique le même raisonnement sur les thèmes du ciel et de l’enfer. Il se propose d’enseigner à ses lecteurs toute la vérité sur les réalités de l’au-delà, se basant sur sa propre interprétation de la Bible. S’il y’a une autre autorité capable de donner une récompense plus valeureuse que la vie ou une punition plus terrible que la mort, l’autorité du Souverain cesse d’être totale et absolu, et il devient impossible de gouverner. En plus, si une autorité comme celle de l’Eglise enseigne qu’elle peut assurer aux hommes le ciel ou la damnation, cette autorité devient plus captivante que celle du Souverain. Pour cela donc, la nécessité d’éliminer toute idée de l’au-delà se fait impérieuse. Pour ce faire, Hobbes commence par éliminer toute idée de responsabilité personnelle de l’homme devant Dieu. Dans le Commonwealth, le seuil responsable devant Dieu est le Souverain. Les sujets se doivent d’obéir sans se préoccuper de ce qui ne leur regarde pas. Ensuite, Hobbes se dédie à situer le ciel sur terre. Au retour du Christ, dit-il, ceux qui auront agit de façon méritoire jouiront du règne terrestre du Christ (agir bien voulant dire être soumis au Souverain). Ceux qui ne seront pas trouvés dignes de cette première reconnaissance devront revivre une autre vie et une seconde mort avant d’entrer eux aussi dans le royaume du Christ. De toute façon, rien n’est perdu pour eux, puisque ce désagrément ne sera jamais une damnation éternelle comme l’enseigne l’Eglise, mais un état passager et transitoire.

Hobbes achève son démontage du système religieux et du pouvoir qu’il génère par la contestation du martyre. Une personne peut croire au Christ tout en restant entièrement soumis à n’importe quel système politique fusse-t-il païen. Que se passe-t-il alors quand une personne se voit obligée par le pouvoir de vivre ou d’agir contre sa conscience chrétienne ? Hobbes a déjà éliminé la responsabilité morale individuelle. La seule part qui échoit à individu est celle d’obéir comme l’enseigne la Bible (selon une interprétation personnelle de Hobbes). Hobbes justifie que la soumission du pouvoir religieux au pouvoir politique est la volonté même de Dieu enseignée clairement dans la Bible. Quand Dieu ordonna la fin du pouvoir sacerdotal et du pouvoir des juges en faveur de la royauté, tout le pouvoir religieux et politique resta concentré dans les mains d’un seul : le roi. Même les prêtres passèrent sous l’autorité du roi puisque nous voyons clairement des scènes bibliques où le roi préside les cérémonies, nomme et démet les prêtres. Ainsi se rebeller contre le monarque ou affronter le péril pour raison de convictions semble à Hobbes de la dernière ignorance. Sûrement que le témoignage et le souvenir des martyrs peuvent enthousiasmer certains esprits, mais en cela aussi, Hobbes veut montrer l’absurdité d’une telle conduite. Il le dit en ces termes : « Mais alors, que dirons-nous de tous ces martyrs dont l'histoire de l'Eglise nous dit qu'ils ont sans nécessité renoncé à leur vie? Pour répondre à cette question, nous devons faire une distinction entre les personnes qui ont été mises à mort pour ce motif: certains ont reçu la vocation de prêcher et de professer ouvertement le royaume du Christ; d'autres n'avaient pas une telle vocation, et d'eux, il n'a rien été exigé d'autre que leur foi personnelle. Ceux de la première sorte, s'ils ont été mis à mort pour avoir porté témoignage que Jésus-Christ était ressuscité d'entre les morts, furent de vrais martyrs, car un martyr (si l'on veut donner la véritable définition du mot) est un témoin de la résurrection de Jésus le Messie, et l'on ne peut être tel qu'en ayant vécu avec lui sur terre, et en l'ayant vu ressuscité. En effet, un témoin doit avoir vu ce qu'il atteste, ou autrement, son témoignage n'est pas valable. Que personne, sinon ce type de témoin, ne puisse être proprement appelé martyr du Christ, se tire manifestement des paroles de saint Pierre, en Actes, I, 21-22 : De ces hommes qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus vint parmi nous et s'en alla, du baptême de Jean jusqu'au jour où il nous fut enlevé, l'un doit être ordonné pour être avec nous un martyr (c'est-à-dire un témoin) de sa résurrection. Nous pouvons remarquer ici que celui qui doit être un témoin de la vérité de la résurrection du Christ, c'est-à-dire de la vérité de l'article fondamental de la religion chrétienne qui affirme que Jésus était le Christ, doit être un disciple qui a vécu avec lui, et qui l'a vu avant et après sa résurrection; et par conséquent, il faut qu'il soit l'un des premiers disciples, alors que ceux qui ne l'étaient pas ne pouvaient rien témoigner d'autre que le fait que leurs prédécesseurs avaient dit qu'il était ressuscité, et ils n'étaient donc que les témoins du témoignage d'autres hommes, que des seconds martyrs, ou martyrs des témoins du Christ ».[4] Par cette argumentation, Hobbes fait d’une pierre deux coups. D’une part, il enseigne aux gens qu’ils ne doivent pas mourir pour leur foi et leurs convictions, d’autres parts ils leur dit que, s’ils venaient à mourir, leur mort serait inutile, puisqu’ils ne peuvent même pas être martyrs du Christ dans le sens juste du terme.

Longtemps, on s’est servi et on se sert, à tort d’ailleurs, de la pensée de Hobbes pour justifier la séparation du pouvoir temporel et du pouvoir religieux, ou mieux dit, la séparation de l’Etat et de la religion. Mais le projet de Hobbes ne va pas dans ce sens. Pour lui, il est faux de demander aux hommes de servir deux maîtres, de choisir à qui obéir sur tel ou tel sujet. Il ne peut y avoir division du pouvoir et l’Eglise ne peut prétendre à aucune forme de pouvoir même en matière religieuse sans risque de divisions. Hobbes rappelle une fois encore à ses lecteurs le danger de la guerre civile. En réalité, Hobbes pèche par excès de déduction et de généralisation. La situation politico-religieuse qui généra la guerre civile dans l’Angleterre de son temps l’empêche d’avoir une vision plus nuancée. D’une situation extrême de guerre civile, il déduit une théorie applicable à la vie normale individuelle et collective, une théorie à caractère universelle. Il oublie que l’élément religieux n’est pas l’unique source de guerres civiles et que l’autorité souveraine absolue n’est pas toujours source de paix et de tranquillité. D’ailleurs, on peut lui opposer les prémisses mêmes de son raisonnement : Si le monarque est pris d’entre ses frères, il doit avoir les mêmes défauts qu’eux, donc sans aucun sens du bien commun : Hobbes ne donne aucune preuve capable de nous convaincre que, une foi investi de tous les pouvoirs, ce Souverain ne conduira pas la collectivité à sa ruine.

Dans sa tentative de démontage des fondements de la religion, Hobbes agit comme un buffle en furie. Un habitué de la savane africaine y pourrait trouver une image très suggestive. Dans une lutte, quand le buffle croit avoir terrassé son adversaire, il s’en va et donne signe d’en avoir fini avec la lutte. Mais il sent toujours le besoin de faire demi-tour pour donner un autre coup de plus, dans le cas où les coups précédents n’auraient pas atteint leur objectif et auraient laissé à l’adversaire un minimum de souffle vital. Ainsi procède Hobbes. On aurait cru que les arguments avancés jusqu’ici suffisent pour l’objectif qu’il s’était fixé. Mais il retourne et juge nécessaire de donner un autre coup contre l’Eglise Catholique dans un chapitre entier : Du Royaume des Ténèbres. Il est clair que le point de vue de Hobbes sur la doctrine catholique est plus proche de la vision protestante, mais il va plus loin et, sur certain points, n’épargne pas même le protestantisme et l’anglicanisme. Dans cette partie sur le Royaume des ténèbres, il essaie d’ajouter des détailles destinés à compléter les arguments exposés dans les parties antérieures.

Hobbes s’emploie à critiquer le supranaturalisme dans la doctrine et les pratiques catholiques pour convaincre quiconque aurait encore la moindre foi en des choses ne relevant pas de la voie naturelle. En vérité, la théologie immanentiste de Hobbes se place en contradiction totale de toute religion biblique. Son système veut une explication empirique et naturaliste du phénomène religieux qui, dans le sens biblique orthodoxe, se base sur des fondements supranaturels. Même si ses critiques semblent dirigées de manière spéciale contre l’Eglise Catholique, en réalité, le Léviathan constitue une attaque en règle contre toute croyance religieuse ne cadrant pas avec sa religion naturelle et étatique. Si aux yeux de Hobbes le catholicisme pèche par sa croyance dans l’intervention surnaturelle et miraculeuse de Dieu, le protestantisme croit lui aussi dans l’intervention de Dieu au sein même de la nature moyennant ses lois internes. En cela, le protestantisme tombe sous le même jugement dans le système de Hobbes. Ainsi dénonce-t-il cette croyance dans le supranaturel comme base du royaume des ténèbres.

Hobbes définit le royaume des ténèbres comme une « confédération de trompeurs qui, pour obtenir l'empire sur les hommes dans ce monde présent, s'efforcent, par des doctrines ténébreuses et erronées, d'éteindre en eux la lumière, aussi bien celle de la nature que celle de l'Évangile, et ainsi de les empêcher d'être prêts pour le royaume de Dieu à venir ».[5] Cette confédération de trompeurs n’est pas une notion dont il faille chercher loin la réalisation matérielle car Hobbes la voie dans la hiérarchie de l’Eglise Catholique. C’est pour quoi il décide de discuter des causes de ces ténèbres spirituelles à travers la doctrine catholique à commencer par la doctrine eucharistique. Tous les chrétiens du temps de Hobbes auraient été d’accord que la magie constituait un art néfaste et sans lien possible avec les voies de Dieu. Cependant, les protestants accusaient les catholiques de croyances magiques dans leur doctrine sur la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Les catholiques de leur part réfutaient cette accusation en argumentant de leur foi dans l’action présente de Dieu à travers celle du prêtre et de l’Eglise.

Hobbes considère cette croyance comme de la magie noire et va jusqu’à la comparer à la magie égyptienne d’antan : « Ainsi, par exemple, quand le prêtre, au lieu de consacrer le pain et le vin pour le service particulier de Dieu dans le sacrement de la Cène du Seigneur (qui n'est que la séparation du pain et du vin de l'usage commun pour signifier, pour rappeler aux hommes leur Rédemption par la Passion du Christ, dont le corps fut brisé et le sang répandu sur la croix à cause de nos transgressions), prétend que, par le fait de dire les paroles de notre Seigneur, ceci est mon corps, et ceci est mon sang, la nature du pain n'est plus là, mais que c'est son corps même, néanmoins il n'apparaît pas à la vue ou aux autres sens de celui qui reçoit, quelque chose qui n'apparaissait pas avant la consécration. Les Egyptiens qui faisaient des conjurations, et qui sont dits avoir transformé leurs bâtons en serpents et l'eau en sang n'avaient fait - pense-t-on - qu'abuser les sens des spectateurs, en montrant les choses faussement, et on estime pourtant qu'ils étaient des enchanteurs. Mais qu'aurions-nous pensé d'eux s'il n'était apparu à la place de leurs bâtons rien de semblable à un serpent, et rien de semblable à du sang à la place de l'eau enchantée, ou à quelque chose d'autre que de l'eau, et qu'ils avaient eu le front de dire au roi que c'étaient des serpents qui ressemblaient à des bâtons, et du sang qui semblait être de l'eau ? Qu'il y avait eu à la fois enchantement et mensonge. Et pourtant, les prêtres, dans cet acte quotidien, font exactement la même chose, transformant les paroles saintes en une sorte de charme, charme qui ne produit rien de nouveau aux sens, mais ils ont le front de nous dire qu'ils ont changé le pain en un homme. Mieux encore plus, en un Dieu! Et ils exigent que les hommes l'adorent. Comme si c'était notre Sauveur lui-même qui était présent, Dieu et homme, et par là, ils commettent l'idolâtrie la plus grossière. Car s'il est suffisant de s'excuser d'idolâtrie en disant que ce n'est plus du pain, mais Dieu, pourquoi la même excuse n'aurait pas été utilisée par les Egyptiens, au cas où ils auraient eu le front de dire que les poireaux et les oignons qu'ils adoraient n'étaient pas en vérité des poireaux et des oignons, mais une divinité sous leurs espèces, sous leur apparence? Les paroles ceci est mon corps équivalent aux paroles ceci signifie, ou représente mon corps, et c'est une figure habituelle du discours, mais prendre l'expression au sens littéral est un abus, et même en la prenant en ce sens, on ne saurait l'appliquer à autre chose qu'au pain que le Christ lui-même consacra de ses propres mains. »[6]

Le seul point de la doctrine catholique sur lequel Hobbes ne s’attarde pas et ne sent pas la nécessité d’un développement dansement argumenté reste la doctrine du purgatoire. Selon lui, à ce sujet comme sur d’autres croyances à propos de l’âme humaine, il faut blâmer en premier lieu la philosophie grecque qui en est la source et en second lieu l’Eglise Catholique qui l’a intégrée dans sa philosophie et sa théologie médiévale. Précisément, l’Eglise est coupable d’enseigner cette doctrine car elle impose aux gens une peur qui les rend plus soumis à elle plutôt qu’à leur Souverain, car l’Eglise leur promet le pouvoir de délivrer leurs âmes des peines de ce lieu de châtiment qu’est le purgatoire.

Pour clore son discours, Hobbes se pose la question : A qui profite touts ces faux enseignements qu’il s’est employé à réfuter tout au long des deux dernières parties de son œuvres. Sans aucun doute, il s’agit clairement de l’Eglise Catholique. Mais l’Eglise Protestante Presbytérienne n’échappe pas à ses critiques. Elle aussi a profité de ces enseignements pour semer la zizanie de la guerre civile. Cette affirmation devait être reçue comme la pire injure que Hobbes pouvait faire aux presbytériens. Après tout, ils pensaient que leur doctrine était l’opposée de la doctrine catholique. Mais, du moment qu’ils acceptaient que le royaume du Christ était déjà venu, et qu’il avait commencé à la résurrection de notre Sauveur, ils entraient dans le champ de tir de Hobbes : « Après que certaines Églises eurent répudié ce pouvoir universel du pape, on aurait pu, en raison, s’attendre à ce que les Souverains civils, dans toutes ces Églises, recouvrassent d’autant ce pouvoir qui était (avant qu’ils ne le laissassent imprudemment aller) leur propre droit, et qui se trouvait en leurs propres mains. Et en Angleterre, dans les faits, c’est ce qui arriva, sauf que ceux par qui les rois administraient le gouvernement de la religion, en soutenant que leur fonction était de droit divin, semblaient usurper, sinon la suprématie, du moins l’indépendance par rapport au pouvoir civil ; mais ce n’était qu’une apparence d’usurpation dans la mesure où ils reconnaissaient au roi un droit de les priver de l’exercice de leurs fonctions comme il l’entendait. Mais dans les lieux où le collège presbytéral prit cette fonction, quoiqu’il fût interdit d’enseigner de nombreuses autres doctrines de l’Église de Rome, cependant, cette doctrine (que le royaume du Christ est déjà venu, et qu’il commença à la résurrection de notre Sauveur) était encore maintenue. Mais cui bono? Quel profit en attendaient-ils? Le même que celui que les papes attendaient : avoir un pouvoir Souverain sur le peuple ».[7]

4. CRITIQUE

L'aliénation du travail mécanisé, la société de consommation, la dégradation des milieux écologiques, l'égoïsme et la vanité liés aux valeurs de l'argent et du prestige social, l'exploitation de l'homme par l'homme : tous ces thèmes inspirent souvent une certaine nostalgie de la nature, c'est-à-dire le regret vague d'un état où l'homme vivait heureux, en harmonie tant avec la nature qu'avec ses semblables. Hobbes, quant à lui, affirme dans le Léviathan que l'état de nature est un état de guerre perpétuelle, et que seule l'autorité politique établie à l'état social permet aux hommes de vivre ensemble, et même tout simplement de survivre. On voit que la réflexion politique, chez Hobbes, s'articule sur une certaine anthropologie : c'est la conception que l'on se fait de la nature humaine qui commande finalement le type de gouvernement que l'on veut promouvoir. A un homme naturellement pacifique on sera tenté d'attribuer un Etat libéral et respectueux des droits individuels, à un homme belliqueux on voudra imposer un Etat tout-puissant - un Léviathan - qui assure la paix et l'ordre par la force et la crainte.

Hobbes s'efforce tout d'abord d'élaborer une définition complète et rigoureuse de la guerre, en montrant que cette dernière caractérise justement l'état de nature : on peut résumer cette définition en disant que, pour Hobbes, la guerre est une disposition naturelle durable au combat. Il établit les rapports entre trois termes: l'état de nature, la guerre et le pouvoir politique : Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est une guerre de chacun contre chacun. Hobbes définit par ailleurs l'état de nature comme étant antérieur à l'état social, c'est-à-dire à cet acte par lequel les hommes se donnent un Souverain qui fait des lois, impose ainsi un certain ordre collectif et instaure l'état social. C'est donc bien l'état de nature qui est caractérisé comme un état de guerre perpétuelle de chacun contre chacun. On pourrait d'ailleurs remarquer ici que Hobbes donne de l'état de nature une définition purement négative, par abstraction de tout ce qui, en l'homme, relève de la société.

L'état de nature est donc un état de guerre générale et permanente : qu'est-ce qui permet à Hobbes de formuler ce jugement ? Nous devons ici nous reporter au début du chapitre XIII du Léviathan, où sont contenues des idées anthropologiques qui vont nous éclairer. Il y a, dit Hobbes dans ce passage, deux types de facultés humaines, celles du corps et celles de l'esprit; or la nature a établi une relative égalité de ces facultés chez les hommes : la force physique est toujours à peu près la même, l'intelligence aussi. L'inégalité quant à la force physique peut exister, mais elle n'est jamais si grande qu'un faible ne puisse vaincre un fort, soit par la ruse, soit par l'union avec d'autres faibles. Pour ce qui est des forces de l'esprit, Hobbes a recours à deux arguments, dont le premier est inspiré par son empirisme : l'intelligence repose sur l'expérience, qui est dans son ensemble la même pour tous les hommes. Par ailleurs ce qui, selon Hobbes, prouve l'égalité relative des facultés de l'esprit, c'est que personne n'a coutume de réclamer plus d'intelligence qu'il n'en a. En effet il n'y a d'ordinaire pas de meilleure preuve d'une distribution égale en toutes choses que lorsque chacun est satisfait de la part qui lui est attribuée. Cet argument, Hobbes l'a sans doute trouvé chez Descartes, qui l'avait effectivement utilisé au début de son Discours de la Méthode affirmant que le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, car chacun pense en être si bien pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont.

La conséquence de cette égalité naturelle entre les hommes est une rivalité généralisée, car, du fait de cette égalité, chacun peut légitimement prétendre à tout ce que les autres désirent aussi (objet ou terre), cette légitimité étant bien sûr seulement celle de la loi de la nature. On voit donc que ce n'est paradoxalement pas, pour Hobbes, l'inégalité qui provoque entre les hommes la rivalité et la guerre, après avoir fait éclore en eux les passions de l'envie, de la jalousie et de la haine ; c'est au contraire l'égalité qui est source d'affrontement.

Léo Strauss, dans son livre Droit naturel et Histoire, fait remarquer à juste titre que l'expérience sur laquelle Hobbes fonde sa théorie de l'état de nature est celle de la guerre civile, que toute sa philosophie morale et politique repose donc "sur l'observation des cas extrêmes". Chez Hobbes, c'est en effet dans ce cas extrême de la guerre civile, quand la société se dissout et tombe en ruines, qu'apparaissent au grand jour les fondations sur lesquelles tout ordre social doit finalement reposer : la peur de la mort violente, force humaine la plus puissante de toutes.

Le point de départ du raisonnement est ici une certaine conception de la nature humaine : l'homme a des passions innées, et il est de ce fait incité à entrer en conflit avec ses semblables. Il s'agit bien ici d'une inférence, c'est-à-dire d'un raisonnement abstrait, car l'état de nature n'est nulle part directement observable, il faut donc le reconstituer par la pensée, en former un concept purement abstrait. Chez Hobbes, comme par exemple chez Rousseau plus tard, l'état de nature n'est pas une conjecture historique, mais une hypothèse logique définie négativement par rapport à la société humaine. C'est là justement la fragilité de ce premier argument, qui est fondé sur la simple spéculation de l'esprit. C'est pourquoi Hobbes propose un argument qui sera d'après lui peut-être plus convaincant, car il est cette fois d'ordre empirique, c'est-à-dire basé sur l'expérience, sur l'observation concrète que chacun peut faire tous les jours: l'expérience enseigne en effet que malgré l'existence de lois et d'institutions exécutives chargées de les faire respecter, tout le monde se méfie de tout le monde, ce qui, selon Hobbes, prouve bien que les hommes eux-mêmes sont persuadés du caractère pernicieux de leur nature.

Hobbes apostrophe son lecteur sceptique et l’invite à faire un retour sur soi-même et sur sa conduite de chaque jour : partant en voyage il s'arme et cherche à être bien accompagné ; allant se coucher il verrouille ses portes ; dans sa maison même il ferme ses coffres à clef, et tout cela sachant qu'il existe des lois et des fonctionnaires publics armés pour venger tous les torts qui peuvent lui être faits. Qu'il se demande alors quelle opinion il a de ses compatriotes, quand il voyage armé, de ses concitoyens quand il verrouille ses portes, de ses enfants et de ses domestiques quand il ferme ses coffres à clef. L'argument est clair : toutes ces précautions évoquées prouvent bien, d'après Hobbes, que les hommes se méfient non seulement de leurs compatriotes et de leurs concitoyens - que finalement ils ne connaissent pas -, mais même de leurs domestiques et de leurs enfants, qui sont pourtant des proches. Il semble évident que Hobbes déduit ici le naturel de l'universel, qu'il prend l'universalité comme critère qui permet de juger qu'un élément de la personnalité de l'homme est naturel.

L'intérêt philosophique essentiel de son discours réside dans le fait qu’il y montre bien l'articulation entre l'anthropologie et la philosophie politique. Le raisonnement de Hobbes semble solide, mais que valent justement ses prémisses anthropologiques ? Il est sûr, en effet, que le système politique tout entier sera à revoir si ses fondements se révèlent contestables. Qu'en est-il donc de l'homme à l'état de nature, ou, ce qui revient au même, comment définir la nature humaine ? De même que Hobbes bâtit une théorie du pouvoir absolu sur une vision pessimiste de l'homme, de même on peut comprendre qu'une conception cette fois optimiste de la nature humaine permettra d'élaborer une philosophie politique plus libérale.

S'il est vrai que l'homme a une nature envieuse, orgueilleuse et méfiante, comme le prétend Hobbes, seul alors un pouvoir politique fort pourra imposer l'ordre social et la paix. C'est aussi le point de vue de Machiavel qui, un siècle avant Hobbes, affirmait dans Le Prince que l'homme n'est pas un être bon et moral par nature, mais qu'il est avant tout guidé essentiellement par les deux passions de l'ambition et du goût de la nouveauté et du changement. La politique, de ce fait, n'est pas le règne des bons sentiments, mais elle est toujours au contraire un rapport de forces. Le Prince est un homme puissant qui dirige la Cité par l'armée et la police, c'est-à-dire par la force et la crainte que celles-ci inspirent. Toutefois le rapprochement entre ces deux auteurs a une valeur limitée, car Machiavel s'oppose par anticipation à toute idée de contrat: pour lui le pouvoir politique est fondé à l'origine sur le force et non sur un pacte, un accord des citoyens qui se donnent librement et unanimement un Souverain.

Strauss propose une critique de la philosophie politique de Hobbes qui semble bien pertinente. On se rappelle que, pour Hobbes, c'est la peur de la mort et le désir de leur propre conservation qui poussent les hommes à créer par contrat la société civile et l'Etat, dont la fonction essentielle est justement de leur assurer la paix, donc finalement la survie. Or comment l'Etat peut-il exiger d'un citoyen le renoncement à ce droit fondamental à la vie et à la détermination des moyens qui lui paraissent les meilleurs pour conserver celle-ci, en le contraignant (et même en l'obligeant, pour reprendre la distinction établie par Rousseau dans le Contrat social, puisque, aussi bien, c'est le contrat, donc le Souverain qui fonde la moralité et la légitimité) à faire la guerre ou à se soumettre à une condamnation à la peine capitale? Hobbes, dans ce dernier cas, est cohérent avec lui-même, en écrivant dans le Léviathan (chapitre 21) qu'un homme condamné justement et légalement à mort a le droit de s'évader et de s'opposer par tous les moyens aux bourreaux qui veulent exécuter la sentence. Hobbes établit là, remarque Strauss, « un conflit insoluble entre les droits du gouvernement et les droits naturels de l'individu à sa conservation » .[8]

C'est là justement que un autre penseur du contrat, Rousseau, va se séparer de Hobbes : le contrat social n'est pas le même dans la philosophie de l'un et dans celle de l'autre. Rousseau rend hommage à Hobbes d'avoir (le premier, sans doute) "senti la nécessité de revenir à l'état de nature", d'avoir compris que, pour définir le bon gouvernement, il faut réfléchir sur les fondements de la vie sociale, c'est-à-dire sur l'état de nature. Mais Rousseau refuse la conception hobbesienne de l'état de nature, et le contrat social qui fonde la société civile n'a par conséquent pas le même statut chez lui. Pour Hobbes, on l'a vu, le pacte est unilatéral, seuls les citoyens sont engagés par lui ; le Souverain, par sa seule existence, établit la paix civile au moyen des lois qu'il est le seul à édicter. Mais les citoyens sont-ils assurés de vivre ainsi en paix ? Rousseau le conteste: il remarque en effet dans le Contrat Social (I, 4) qu'un Prince tout-puissant peut toujours provoquer plutôt la misère de son peuple, à cause de son ambition et de son avidité, et que les hommes n'y gagnent rien "si cette tranquillité même est une de leur misères".

Pour Rousseau, par ailleurs, rien ne saurait compenser la perte de la liberté, et la guerre civile, à tout prendre, serait préférable à la tyrannie. Cette position est explicitée chez lui par la formule latine suivante: "malo periculosam libertatem quam quietum servitium".[9] De toute façon la servitude tranquille est rarement durable, et mieux vaut, dans tous les cas, une "liberté périlleuse". De plus il faudrait que les hommes soient fous, dit Rousseau, pour aliéner ainsi leur liberté et tous leurs droits sans rien recevoir en contrepartie. Le contrat social selon le schéma hobbesien est donc illégitime, car "la folie ne fait pas droit" [10] et il est dans tous les cas impossible. En effet il est absurde de "supposer" un peuple de fous, et l'homme sain, quant à lui, ne saurait sacrifier sa liberté. Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, et une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme. Le pacte évoqué dans le Contrat Social sera au contraire un pacte bilatéral qui fondera ce que Rousseau appelle la République, celle-ci correspondant à peu près à ce que nous entendons aujourd'hui par démocratie. La loi du plus fort, qui règne à l'état de nature, est remplacée, à partir de l'acte fondateur du contrat social, par des droits civils garantis par la loi, loi qui exprime non pas la volonté arbitraire d'un seul ou de quelques uns, mais la volonté générale, issue du suffrage universel et de la loi de la majorité.

Les thèses que Hobbes défend dans le Léviathan sont peu satisfaisantes, et Rousseau notamment en a montré bien la faiblesse. Les définitions hobbesiennes de la guerre et de l'état de nature ne tiennent pas, et les conséquences politiques que Hobbes tire de ces prémisses anthropologiques et qui concernent la théorie du pouvoir absolu se révèlent de ce fait erronées. On peut d'ailleurs s'en féliciter, car la théorie de Hobbes, même si celui-ci a sans doute essayé, avant tout, de définir les conditions d'une paix sociale durable, présente un danger certain. Rousseau l'a bien vu et l’écrit dans le Contrat Social, au chapitre deux du livre I : "on pourrait employer une méthode plus conséquente, mais non plus favorable aux tyrans". L'avantage de l'idéal républicain de Rousseau, quelles qu'en soient par ailleurs les lacunes, consiste, contre justement la philosophie politique de Hobbes, dans sa conformité avec les exigences de la dignité et de la liberté de l'homme.
5. CONCLUSION.

S’il fallait chercher d’où Hobbes tient son inspiration, il ne faudrait pas laisser de coté la pensée protestante, surtout de Luther et de Calvin. Hobbes se situe dans la même ligne qu’eux même s’il va plus loin. Leur vision de l’Etat place la nature de celle-ci dans une sorte de violence légitime comme le fera plus tard Max Weber. L'Etat, dans la définition de Max Weber, est l'institution qui détient le monopole de la violence légitime sur un territoire donné. Cette définition rejoint la théologie politique de Luther. Pour lui l'Etat met fin aux guerres privées, à la violence entre particuliers dont les guerres de vengeance (vendetta) et revendique, avec succès, l'usage exclusif de la force. Cela ne signifie pas qu'il n'existe pas de violence qui échappe au contrôle de l'Etat, mais que seul il se voit reconnu le droit d'en user.

Cependant, il faut rendre justice au génie de Hobbes qui a réussi à présenter un système cohérent malgré des contradictions subtiles. Tout en situant le négatif dans l'état de nature et le positif dans le politique, il s’est gardé d'affirmer pour autant que l'Etat ait tous les droits: si le Souverain politique contredisait le principe qui fonde son existence - l'obtention par les hommes d'une vie dans la sûreté -, il perdrait sa légitimité. Mais le philosophe anglais, en période de guerre civile de religion, revendique pour l'Etat le monopole du pouvoir politique ainsi que celui de l'autorité théologique. Pour lui, l'existence d'un mécanisme de double loyauté au sein de la société civile, comme celui qu'entraîne l'existence de l'Eglise catholique, introduit un principe de division et d'hostilité qui peut produire un retour à l'état de nature.

L’autre reproche que l’on peut faire à Hobbes est celle de généraliser les mésaventures du royaume d’Angleterre en une époque donnée comme des phénomènes universels et naturels communs à toute l’humanité. Les rapports entre les Souverains et les dieux, les rois et les prêtres et, plus généralement, la place du sacré et sa définition dans une société ne peuvent être analysées comme des mécanismes universels. Il est certain que l'universalité des phénomènes politiques est une illusion si l'on assimile politique et étatique, puisque l'Etat n'existe que dans certaines sociétés, même s'il s'est affirmé partout dans le monde moderne. Mais l'on doit aussi s'interroger sur l'universalité de la politique définie en termes de pouvoir. Le pouvoir admet une série de définitions différentes pouvant donner une gamme de nuances à son application politique: en termes inspirés de la mécanique, on peut le caractériser comme un rapport de forces inégalitaires relativement stabilisées; en termes stratégiques, il est une action sur l'action. Cependant, la compétition massive et ouverte pour le pouvoir ne peut être considérée comme une modalité universelle des sociétés. Aussi la science politique doit-elle s'appuyer sur l'anthropologie politique, qui rend compte de la validité relative des catégories du politique.

Néanmoins, la tendance exposée chez Hobbes, celle du religieux à revendiquer un pouvoir politique et celle du politique à prendre une allure religieuse, ces deux tendances gardent leur réalisme et leur actualité. Rarement la laïcité, surtout dans l’histoire occidentale, ne s’est gagnée sans heurts avec le religieux. La laïcité suppose l'existence d'une société moderne et d'un Etat de droit où prévaut la logique des valeurs individuelles démocratiques et des droits de l'homme. Or, aucune religion n'ayant accepté spontanément de renoncer à son emprise culturelle et politique (tout porte à penser qu'aux périodes historiques les plus anciennes, c'est toujours peu ou prou la confusion entre le religieux et le politique qui dominait), la laïcité ne va jamais de soi et son instauration est inséparable de la conquête des libertés modernes, dont elle représente un aspect important. Elle résulte donc souvent d'un processus conflictuel et la théorie hobbesienne se peut entendre dans cette ligne.

Cependant, même au sein des démocraties, la dynamique hobbesienne du pouvoir y reste repérable au grand dam de nos slogans antidictatoriaux et l’Etat nous demande quelques fois une adhésion quasi religieuse. Dans les démocraties actuelles par exemple, on retrouve certaines idées de Hobbes comme celle de dictature (de la majorité) et l'absolutisation de la loi ainsi que son application trop stricte. En pratique, tout pouvoir a quelque chose de bien dictatorial. Ce qui différencie la ''vraie'' dictature de la ''dictature démocratique'', c'est que cette dernière est légalement limitée dans le temps et dans un état de droit, puisque d'un vote au suivant on peut en changer la nature. Ce qu'imposent deux majorités successives n'est pas forcément semblable, ce qui fait que la minorité n'est pas forcément sous un joug permanent. De plus, ni cette minorité, ni cette majorité, ne sont pas forcément toujours formées par les mêmes citoyens. A cela, il faut ajouter le fait qu’une minorité peut lutter légalement contre l’opinion de la majorité (l’exemple des homosexuels avant la légalisation de l’homosexualité).

BIBLIOGRAPHIE

1. DUCH L., Armes Espirituals i Materials: Política, Publicació de l’Abadia de Motserrat, 2001.
2. HOBBES T., Leviathan or the Matter, Forme and Power of A Commonwealth Ecclesiastical and
civil, Printed for Andrew Crooke, London, 1651. Traduction de Philippe Folliot, Chicoutimi,
Québec, 2004.
3. JOHNSON BAGBY L. M., Hobbes’s Laviathan, Cromewell Press Ltd, London, 2007.
4. ROUSSEAU J. J., Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755),
P.U.F, Paris, 2003.
, Du Contrat Social (1762), P.U.F, Paris, 2003.
5. STATE S., Hobbes and Hooker : Politics and Religion : A Note on the Structure of Leviathan,
Canadian Journal of Political Science (March 1987 79-96 pp.).
6. STRAUSS L., Droit Naturel et Histoire, Flammarion, 1999.
─, The Political Philosopy of Hobbes : Its Basis and Its Genesis, Trans. Elsa M. Sinclair, Chicago:
University of Chicago Press, 1984.
7. WEBER M., Economie et Société, Editions Nouveles, Paris, 2003.
8. ZARKA Y. C., Hobbes i el pensament polític modern, Traducció de Jordi Galí i Herrera, Barcelonesa d’Edicions, Barcelona, 1997.
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[1] Léviathan, Chapitre XLII
[2] Léviathan, Chapitre XXXII
[3] Léviathan, Chapitre XLII
[4] Léviathan, Chapitre XLII
[5] Léviathan, Chapitre XLIV
[6] Léviathan, Chapitre XLIV
[7] Léviathan, Chapitre XLVII
[8] STRAUSS, Droit naturel et Histoire, chapitre Va
[9] ROUSEAU J.J. Le Contrat Social, III,4.
[10] Id. I,4.

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